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Avec des exécutions publiques, l’Iran pousse les contestataires à se cacher


Photo d’archives de Majid Kazemi, accusé d’avoir tué des membres des forces de sécurité lors de manifestations nationales, lors d’une audience au tribunal à Isfahan, Iran. /Photo prise le 9 janvier 2023/Mizan News Agency/WANA (West Asia News Agency)

par Parisa Hafezi

DUBAI (Reuters) — En procédant à l’exécution de manifestants par pendaison, et en laissant leurs corps inanimés suspendus à la vue de tous, les autorités iraniennes semblent avoir diffusé suffisamment de peur pour pousser les contestataires à ne plus descendre dans la rue, après plusieurs mois de mouvements anti-gouvernementaux.

L’efficacité de cette répression, face à ce qui constitue la plus importante crise politique en Iran depuis des années, devrait renforcer l’idée parmi les «durs» du régime que faire taire les dissidents représente la meilleure façon de garder le pouvoir.

Des analystes et experts interrogés par Reuters estiment toutefois que cette méthode pourrait avoir un impact limité dans le temps. Selon eux, réprimer dans le sang la contestation pousse simplement les dissidents à se cacher, tout en renforçant la colère de la population iranienne à l’égard du pouvoir religieux en place depuis la révolution de 1979.

«C’est plutôt efficace puisque le nombre de personnes dans la rue a diminué», a commenté Saeid Golkar, de l’Université du Tennessee, à propos de la répression et des exécutions menées par Téhéran. «Mais cela a toutefois créé un ressentiment massif parmi les Iraniens».

Le directeur général de Campaign for Human Rights en Iran a déclaré que le principal objectif du régime était d’intimider par tous les moyens la population afin de contraindre celle-ci à se soumettre.

   «Les manifestations ont pris une forme différente, mais n’ont pas pris fin. Les gens sont soit en prison, soit cachés parce qu’ils sont déterminés à trouver un moyen de continuer à se battre», a dit Hadi Ghaemi.

«GAGNER PAR LA TERREUR»

En dépit de la colère publique et des critiques de la communauté internationale, Téhéran a prononcé des dizaines de condamnations à mort afin d’intimider les Iraniens rendus furieux par la mort de Mahsa Amini, âgée de 22 ans, à la suite de son arrestation par la police des moeurs en septembre dernier.

Le décès de l’Irano-kurde a ravivé la colère de la société iranienne à propos notamment de la situation économique, des discriminations ethniques ou encore à l’égard des contrôles sociaux et politiques renforcés.

Au moins quatre personnes ont été exécutées par pendaison depuis le début des manifestations, selon la justice iranienne. Parmi elles, deux manifestants exécutés samedi pour le meurtre présumé d’un membre d’une milice.

Les autorités iraniennes veulent condamner à mort au moins 26 personnes supplémentaires, a rapporté le mois dernier Amnesty International, dénonçant des «simulacres de procès destinés à intimider les contestataires».

Aux yeux d’experts, la réaction de Téhéran s’inscrit dans la lignée de la position adoptée depuis que le régime religieux est au pouvoir: être prêt à utiliser toute la force nécessaire pour réprimer la contestation.

«La stratégie première du régime a toujours été de gagner par la terreur. C’est la seule solution pour le régime puisqu’il est incompétent et incapable de changer ou d’une bonne gouvernance», a déclaré Saeid Golkar.

En net déclin depuis les exécutions de contestataires par pendaison, les manifestations se limitent désormais principalement aux régions peuplées par les sunnites, où elles sont les plus vives depuis le début du mouvement.

Mais l’esprit révolutionnaire qui s’est répandu à travers le pays au fil des mois pourrait toutefois survivre à la répression sécuritaire, ont estimé les analystes, notamment parce que les griefs des manifestants n’ont toujours pas été entendus.

«Il n’y a pas de point de retour, et le régime ne peut pas revenir à l’ère antérieure à la mort de Mahsa», a déclaré Hadi Ghaemi.

«TRAHISON»

Téhéran continue de voir dans la répression et la violence la solution pour sortir de cette crise, a commenté Alex Vatanka, directeur du programme Iran au sein de l’Institut pour le Moyen-Orient, à Washington.

«Cela pourrait fonctionner à court terme (…) mais ça ne marchera pas sur le long terme», a-t-il dit, citant la détérioration de l’économie et une jeunesse iranienne intrépide qui veut «un important changement politique et va se battre pour cela».

    Rien n’indique que le président ultra-conservateur Ebrahim Raïssi, arrivé au pouvoir à l’été 2021, et les autres dirigeants du régime envisagent d’adopter une autre approche politique afin de tenter de convaincre la population. Leur attention reste semble-t-il focalisée sur la sécurité.

D’après les analystes, le pouvoir religieux apparaît préoccupé par l’idée de faire preuve de retenue face aux manifestants, une démarche qui pourrait selon lui être perçue par ses soutiens politiques et paramilitaires comme un signe de faiblesse.

Aucun commentaire n’a pu être obtenu auprès des services du président Raïssi.

Signe de leur volonté de provoquer des ondes de choc, les autorités iraniennes ont prononcé des interdictions de voyage et des peines de prison contre plusieurs personnalités publiques, comme des athlètes et des artistes.

Le guide suprême de la révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, a laissé entendre lundi que Téhéran n’avait aucune intention d’adoucir sa répression, déclarant dans un discours télévisé que ceux qui «incendient des lieux publics sont fautifs de trahison».

(version française Jean Terzian)

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