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Des experts aident l’Ukraine à enquêter sur les violences sexuelles


Photo d’archives de drapeaux nationaux russes à l’extérieur d’un bâtiment dans la ville ukrainienne de Melitopol, contrôlée par la Russie, prise le 27 novembre 2022/REUTERS/Alexander Ermochenko

par Anthony Deutsch et Anna Voitenko

KHERSON, UKRAINE (Reuters) — Une équipe internationale de conseillers juridiques a travaillé ces derniers jours avec des procureurs locaux dans la ville de Kherson, récemment libérée par l’armée ukrainienne, afin de rassembler des preuves de crimes sexuels présumés commis par les forces russes.

L’équipe est composée d’experts de Global Rights Compliance, un cabinet juridique international dont le siège est à La Haye.

Leur mission s’inscrit dans le cadre d’une action internationale plus large de soutien des autorités ukrainiennes dans leur travail visant à prouver que les Russes ont commis de crimes depuis le début du conflit, il y a près de dix mois.

Peu après l’invasion russe du 24 février, des accusations de viols et d’autres abus ont fait surface dans tout le pays, selon les témoignages recueillis par Reuters et l’organe d’enquête des Nations unies.

Moscou, qui affirme mener une «opération militaire spéciale» en Ukraine, a nié avoir commis des crimes de guerre ou ciblé des civils, le Kremlin rejetant également les accusations de violences sexuelles commises par l’armée russe.

Le ministère russe de la défense n’a pas immédiatement répondu aux questions posées dans le cadre de cet article.

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré le 9 décembre que des informations des Nations unies faisant état d’attaques russes contre des civils était fondées sur des «rumeurs et des ragots».

Moscou a aussi accusé les forces ukrainiennes de représailles brutales contre les civils qui auraient coopéré avec les forces russes.

La tâche du ministère public ukrainien est immense, le nombre de crimes internationaux présumés se chiffrant en dizaines de milliers, alors que la guerre dans l’est et le sud du pays compliquent encore un travail déjà difficile.

«POSER LES BONNES QUESTIONS, SUIVRE DES PISTES»

«Nous sommes venus ici pour une mission de trois jours afin de soutenir le Bureau du procureur général et plus particulièrement l’équipe chargée d’enquêter sur les violences sexuelles liées au conflit», a déclaré Julian Elderfield, l’un des conseillers juridiques ayant pris part à la visite de Kherson, qui s’est déroulée de jeudi à samedi.

«(Il s’agit) de poser les bonnes questions, de suivre des pistes d’enquête uniques ou différentes qui n’auraient peut-être pas été suivies par les enquêteurs locaux», a-t-il déclaré à Reuters à Kherson samedi.

Kherson a été occupée par les forces russes pendant des mois avant que les troupes ukrainiennes ne la reprennent début novembre, dans ce qui a été l’une des plus grandes défaites militaires de Moscou depuis le début de la guerre.

Certains habitants restés sur place pendant l’occupation ont raconté avoir été détenus et torturés, formulant ainsi des accusations similaires à celles de la population vivant dans des territoires reconquis par les forces locales ces derniers mois.

Plus de 50.000 crimes internationaux présumés ont été recensés par le procureur général d’Ukraine depuis l’invasion russe.

Parmi ceux-là figurent des centaines de cas potentiels de crimes de guerre, de génocide et d’agression présumés, dont certains pourraient être portés devant des tribunaux étrangers comme la Cour pénale internationale (CPI) s’ils sont jugés suffisamment graves.

En juin, l’Ukraine a tenu une audience préliminaire dans son premier procès d’un soldat russe accusé d’avoir violé une Ukrainienne pendant l’invasion russe. Le suspect n’était pas détenu par les autorités ukrainiennes et a été jugé par contumace.

Julian Elderfield et Olha Kotlyarska, une conseillère juridique travaillant également pour Global Rights Compliance, constituent l’équipe de justice mobile qui soutient la mission d’enquête des procureurs ukrainiens à Kherson.

Ils se sont joints aux procureurs ukrainiens pour visiter des hôpitaux, un centre de distribution d’aide locale et d’autres sites afin de suivre des pistes d’enquête et d’interroger les victimes d’abus présumés, notamment de violences sexuelles.

CRIMES DE GUERRE

L’unité spéciale ukrainienne chargée des crimes de guerre et des violences sexuelles liées au conflit recueille également des preuves vidéo et photographiques qui pourraient l’aider à identifier les auteurs en vue de futures poursuites.

Reste à savoir qui, des commandants russes ou de leurs subordonnés agissant sur ordres, peuvent être tenus pour responsables.

Anna Sosonska, chef adjoint de l’unité ukrainienne chargée des crimes de guerre et des violences sexuelles, qui compte huit membres, a déclaré à Reuters qu’elle superviserait l’enquête et examinerait le rôle éventuel des dirigeants politiques et militaires russes dans les crimes commis.

«Partout où les soldats russes étaient basés, ils ont commis des crimes de guerre, ils ont commis des violences sexuelles et ils ont torturé, ils ont assassiné», a-t-elle déclaré.

«Nous avons découvert les faits de violences sexuelles liées au conflit et les informations ont été inscrites dans le registre unifié des enquêtes préliminaires.»

Le viol peut constituer un crime de guerre en vertu des Conventions de Genève qui établissent des normes juridiques internationales pour la conduite des conflits armés.

Les violences sexuelles généralisées ou systématiques pourraient constituer des crimes contre l’humanité, généralement considérés comme plus graves, selon les spécialistes du droit.

«CHAMBRES DE TORTURE»

Serhii Doroshyn, chef adjoint du département des enquêtes de la police nationale en Crimée et à Sébastopol, a déclaré à Reuters que l’unité avait interrogé environ 70 personnes jusqu’à présent. Nombre d’entre elles ont déclaré avoir été enfermées dans une dizaine de centres de détention de la région de Kherson pendant l’occupation russe.

Il a ajouté que plus de la moitié d’entre elles ont déclaré avoir été soumises à diverses formes de violence sexuelle. Il est probable qu’il y ait beaucoup plus de témoins, a-t-il précisé.

«Nous trouvons quelqu’un, menons des le titre d’investigation, interrogeons, trouvons des informations et recherchons ensuite d’autres personnes (…). Nous les menons malgré la situation, malgré les bombardements», a déclaré Serhii Doroshyn.

Il a ajouté que Kherson différait de la capitale Kyiv, où les enquêteurs ont été les plus actifs jusqu’à présent, parce qu’elle a été occupée par les forces russes pendant une longue période.

«Il y avait des installations de détention temporaire bien établies, les ‘chambres de torture’, où 30 à 40 personnes pouvaient être amenées chaque jour», a-t-il déclaré.

«C’est-à-dire qu’un travail massif était effectué ici. Bien sûr, ils ne respectaient aucune loi, aucune convention et aucun statut.»

(Version française Benjamin Mallet)

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